Immortality
Marissa Marcel a incarné le rôle de Matilda dans Ambrosio, un film fantastico-historique réalisé en 1968 par le célèbre Arthur Fischer. Malheureusement, pour une raison inconnue, le long métrage ne vit jamais le jour. En 1970, Marissa joua Franny dans un polar du nom de Minsky, ce fut le premier film de John Durick autrefois directeur de la photographie dans Ambrosio. Le film ne sortira jamais. Après vingt-neuf ans d’absence dans le milieu du cinéma, Marissa réapparait pour interpréter le rôle d’une artiste, Maria, et sa doublure, Heather, dans Two of Everything. John Durick est de nouveau derrière la caméra pour ce film d’auteur, hélas il ne sera jamais diffusé.
La carrière de Marissa ne décolla donc jamais et elle resta une actrice totalement inconnue. Aujourd’hui, même les personnes qui l’ont côtoyé ne savent pas ce qu’elle est devenue car elle ne donne plus de signe de vie…
Coup de théâtre ! En 2020, dans un vaste dépôt de bobine, on retrouve celles d’Ambrosio, de Minsky et de Two of Everything. Les séquences sont numérisées sous la forme de petits clips, mais ces derniers sont tous mélangés les uns aux autres. Votre objectif est donc de les compiler et de les visionner afin de comprendre pourquoi ces trois films ne sont jamais sortis, ils vous aideront également à comprendre ce qu’est devenu Marissa après son dernier rôle.
Vous commencerez le jeu avec un seul clip attribué au hasard sur les 202 possibles. Vous pourrez le visionner et le triturer dans tous les sens en le mettant en pause, en faisant des avances ou des retours rapides, et en examinant des séquences image par image. Pour découvrir un nouveau clip, il faudra que vous appuyiez avec votre curseur sur un élément du film : le visage d’un acteur, une chaise, une plante, une fenêtre… et le programme vous enverra sur un nouvel extrait contenant l’un de ces éléments.
Si vous avez cliqué sur une plante, alors une autre séquence vidéo contenant une plante deviendra accessible. Mais attention, cette séquence vous aura là aussi été attribué aléatoirement. Vous pourrez donc cliquer plusieurs fois sur une plante et débloquer ainsi plusieurs clips différents contenant un végétal. Ces extraits durent entre une à cinq minutes et regorgent de contenus sélectionnables.
Comme ces clips se débloquent de manière hasardeuse, vous allez régulièrement alterner entre les vidéos consacrés à Ambrosio, celles allouées à Minsky et celles dédiées à Two of Everything. Cela implique de voir des bouts de trois films dans le désordre chronologique. Pour compliquer le tout, les films ne sont pas complets, les séquences qui manquent à l’appel ont été remplacées par des extraits de lecture de texte, de répétitions ou de tranche de vie entre les acteurs !
Autant vous dire que les premières heures de jeu vont être sacrément chaotiques. Il va falloir arriver à comprendre l’histoire des trois films, tout en découvrant la personnalité des acteurs et leurs relations pendant et en dehors des tournages. La multiplicité des strates d’analyse n’est pas une tâche facile, mais plus les connexions vont se faire dans votre esprit, plus les pièces du puzzle se mettront en place. Vous pourriez vous dire qu’il suffit simplement de prendre votre temps, et qu’en trouvant tous les clips vous finirez par reconstruire les films et que vous saisirez alors forcément toute l’histoire. Et bien… non. Le scénario ne se dévoilera pas aussi facilement. Pour comprendre pourquoi aucun de ces trois films n’est sorti et pour savoir ce qu’est devenu Marissa, il faudra certes compiler les 202 extraits, mais il faudra aussi analyser bien attentivement certains bouts de ces vidéos… d’étranges choses pourraient s’y cacher… !
Je ne peux malheureusement pas vous en dire plus sans divulguer quoi que ce soit, mais sachez que le scénario de Immortality est intelligent, réflectif, dérangeant et tout bonnement exceptionnel. Ses multiples couches de lectures, une fois assemblées, dévoilent une histoire globale parfaitement maitrisée. Le fait de comprendre petit à petit ce qui s’est passé pour ces films et pour Marissa est un vrai régal. Plus on avance en farfouillant dans les clips, plus les séquences énigmatiques prennent tous leurs sens, et on revisionne les extraits auxquels on n’avait rien compris en se disant "mais oui, évidemment !".
Immortality brille aussi par sa mise en scène, son ambiance et son casting :
- Les 3 films, tournés respectivement en 1968, 1970 et 1999, sont immédiatement différenciables par leurs pattes artistiques. Filmés avec des formats d’images et des grains différents, ils nous plongent dans leur époque en un coup d’œil.
- Chacun des longs métrages a une atmosphère vraiment particulière. Beaucoup de séquences sont intrigantes mais certaines d’entre elles peuvent aussi susciter une ambiance lourde et dérangeante.
- Le casting est tout simplement superbe. Les acteurs jouent à la perfection, aussi bien dans les films que dans toutes les séquences Making Of. On se croirait tantôt au cinéma, tantôt au théâtre et tout est interprété avec une justesse absolue.
Malgré ses immenses qualités, Immortality a aussi ses défauts. Celui qui gênera le plus de joueurs est que le titre n’est justement pas vraiment un jeu. Ce n’est pas tout à fait un film non plus. C’est une expérience dans laquelle on est assez passif, excepté lorsqu’il faut fouiller certains extraits pour y trouver ces fameuses "choses bizarres". Tous les clips ne sont pas non plus intéressants puisque dans un souci de réalisme certains d’entre eux ne sont que de simples prises de vue (comme un zoom sur un verre par exemple).
Le fait de collecter 202 extraits grâce au hasard est également fastidieux. Une fois qu’on en a un certain nombre, on retombe souvent sur les mêmes. Pour débloquer un clip que je n’avais pas (j’ai appris son existence sur internet), j’ai dû cliquer trente fois sur le même objet de la même vidéo, mes vingt-neuf précédentes tentatives m’envoyaient toujours vers des séquences déjà acquises depuis longtemps. Autant dire que ce n’était ni fun ni intéressant.
La fin du jeu se débloque d’une certaine manière et elle peut arriver au bout de quelques heures seulement. Ça ne m’est personnellement pas arrivé mais des joueurs, qui commençaient à peine à comprendre l’histoire, ont visionné la fin sans le vouloir. Ce n’est pas grave en soi, car on peut continuer à débloquer les vidéos manquantes après le générique, mais c’est quand même dommage…
Pour le finir totalement, c’est-à-dire compiler toutes les séquences et comprendre ce qui se trame derrière ces trois films et la disparition de Marissa, il m’a fallu environ une quinzaine d’heures. Rajoutez à cela plusieurs heures à surfer sur différents sites et forums pour lire les théories des autres joueurs. Pour vous parler franchement, je ne regrette aucune de ces heures tant le jeu s’est immiscé dans mon esprit. Le fait d'y penser plusieurs fois par jour, entre chaque session de jeu, et d'y penser encore même après en avoir vu le bout prouve qu'il m'a définitivement marqué.
Immortality n’est certes pas un jeu parfait, mais le travail derrière ce soft est tellement énorme et l’expérience si unique dans une vie de joueur que je ne peux que vous le conseiller absolument.
Petit disclamer : Si vous vous lancez dans l'aventure, ne le considérez pas comme un jeu horrifique, car il n'en est pas vraiment un. Voyez le plutôt comme une expérience énigmatique et parfois dérangeante au contenu très adulte dans la lignée des œuvres de Lynch. Il faut donc avoir une certaine sensibilité à ce genre pour l'apprécier pleinement.
Description du jeu par Kyoledemon
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